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Mythe, new age et marchandisation

mythe -Tai chi Style Yang - Simple fouet - Eric Caulier

Le mythe du progrès

Le mythe du progrès, moteur de nos sociétés industrialisées pendant plusieurs siècles, commença à donner de sérieux signes d’essoufflement dans les années 1950. Dans une société dominée et dirigée par la rationalité, l’irrationnel fit alors un retour en force. Jusqu’alors on s’enterrait dans le matériel. Puis tout à coup, on s’envoya en l’air dans un simulacre de mysticisme enivré par des pseudo-spiritualités.

Les mythes de Prométhée et de Dionysos

Une grande partie de l’anthropologie culturelle de Gilbert Durand est fondée sur l’étude et l’analyse des mythes. Le mythe de Prométhée (vol du feu, course/fuite en avant) illustre la première période. Le mythe de Dionysos (ivresse, délire) permet de comprendre la deuxième. Dans la lecture de Gilbert Durand, les deux périodes se superposent.  Les deux influences se font sentir en même temps. Cela nous permet de mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement de notre civilisation, appelée par certains « civilisation des loisirs ». En effet, de plus en plus d’individus existent de moins en moins par leur travail (temps contraint représentatif de la première période). Ils se caractérisent de plus en plus par leurs loisirs (temps libre caractéristique de la deuxième période).

Marchandisation

Les loisirs (sports, culture, lecture, tourisme, cinéma, …) sont actuellement marqués par une dérive vers une marchandisation outrancière, par un appauvrissement et une dévalorisation des contenus coupant les individus de leur propre histoire, de leurs racines, par une absence de norme (tous les goûts se valent), par l’effet spectaculaire immédiat plutôt que par la pérennité des formes. Le taijiquan dans son ensemble n’y échappe pas. Observez l’irréalité des images proposées (décor de rêve) et les messages simplistes et lénifiants (pour n’obliger personne à réfléchir ) s’y rapportant : on est en plein dans le Nouvel Age sous l’emprise d’un Dionysos perverti.  Il faut s’éclater … il faut également rentabiliser, le mot d’ordre est maximisation.

Participer au retour d’Hermès

Nous sommes d’accord avec nombre d’observateurs éclairés de nos sociétés de l’impérieuse nécessité de réinventer des formes nouvelles d’appropriation du temps libre qui ne s’appuient pas exclusivement sur leur commercialisation, sinon c’est toute une partie de la vie sociale qui risque de ne plus trouver de points d’appui pour son épanouissement. Notre approche du taijiquan vise à contribuer au retour d’Hermès annoncé par Gilbert Durand. Fils de Zeus (dieu de la lumière céleste) et de Maia (divinité du monde souterrain), Hermès conjoint ce qui est séparé. Il guide les voyageurs et favorise les échanges. Dieu de la santé, du savoir, de la sagesse, il inventa la boxe et les arts gymniques.

Mise en acte

Notre démarche ne se limite ni à un constat, ni à de belles formules de dénonciation/ contestation. Elle se réalise par des choix mûris et assumés de longue date, témoins de nos valeurs. Nous proposons une diversité de styles, une évolution individualisée au sein de groupes de même niveau, un accompagnement par une équipe d’enseignants en formation continue, des repas de qualité réalisés avec des produits locaux… Nous enrichissons notre pratique et notre enseignement en intégrant des recherches sinologiques, anthropologiques, sociologiques, biomécaniques. Contre vents et marées, nous oeuvrons à la conservation et à la fructification d’un patrimoine traditionnel, culturel, éducationnel, c’est-à-dire sociétal. Notre projet contient une part d’idéal que nous reconnaissons et revendiquons. Héraclite disait : « Si tu ne cherches pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas ».

Édito Espace taiji 55 revu

Crédit photo : Almereca