Recherche de mieux-être
Le tai chi chuan, qu’est-ce que c’est ? Dans la plupart des cas, la définition qui en est donnée -une gymnastique douce – correspond à la pratique proposée. Cette approche gymnique peut être plus ou moins bien enseignée : connaissance et respect des corps ainsi que des principes du mouvement tout en mettant en évidence la détente et la fluidité du geste.
L’accent peut, en outre, être mis sur les bénéfices au niveau de la santé : confiance en soi, gestion du stress, maux de dos, etc. Le tai chi chuan se transforme alors en qi gong, en technique de relaxation, en méditation en mouvement.
Quête de repères
Dans les grandes mutations de société que nous traversons, certains sont en quête de repères. Une partie d’entre-eux attendent des réponses toutes faites. Des taoïsants leur proposent donc du prêt-à-penser rassurant sous le label « tai chi chuan authentique/originel/secret ».
Le fait de se sentir les heureux élus dépositaires d’un héritage immémorial calme dans un premier temps, leur angoisse existentielle. Ensuite, cela se transforme souvent en arrogance dogmatique vis-à-vis d’autres formes/styles/écoles. Ces pratiquants empêchent l’émergence de leur être profond. Ils tuent ainsi celui qu’ils auraient pu devenir : un être libéré et autonome.
Perfectionnement de soi
Quelques-uns parmi ceux qui se questionnent choisissent d’utiliser le tai chi chuan comme un outil de connaissance et de maîtrise de soi. Conscients de la perfectibilité de l’être humain, ils se mettent en quête d’eux-mêmes. Dans cette voie difficile parsemée de doutes, balisée d’embûches, ils pressentent le besoin d’une technique éprouvée, d’une pédagogie responsable et d’un accompagnement solide.
Ils n’arrivent pas par hasard là où ils se trouvent. Ces cherchants ont compris l’inanité des recettes exotiques et faciles. Ils sont prêts à affronter leur ombre intérieure, à vivre l’œuvre au noir, prélude à une régénération intérieure, source de «grande santé». La gestuelle du tai chi chuan devient réellement belle et forte lorsque le mouvement extérieur initie un cheminement intérieur. Et lorsqu’à force de chercher, le pratiquant se trouve, ses gestes irradient alors l’énergie de la vie.
Fantasme de toute-puissance
Consciemment ou inconsciemment, de manière cachée ou avouée, nombre d’adeptes du tai chi chuan sont en quête de pouvoir. Ils ne ménagent pas leurs efforts pour se livrer aux aspects les moins connus, les moins pratiqués, les plus difficiles de l’art chinois du mouvement : le travail intérieur/nei gong et les applications martiales.
Ces adeptes éveillent leurs sens intérieurs : intuition, perception du subtil, clairvoyance. Ils expérimentent le sens caché des applications martiales : assise dans les relations conflictuelles, centrage dans les rapports tendus, efficacité en période de crise. Cela leur donne un réel pouvoir sur les autres. Ils prennent leur place dans un monde valorisant la compétitivité et le combat de tous contre tous. Là aussi, un minimum de lucidité vis-à-vis de soi-même couplé à un enseignement avisé montre vite la méprise. Cela évite surtout de sombrer dans le fantasme de la toute-puissance.
Le seul pouvoir intéressant – à mes yeux – que l’art du tai chi chuan développe est le pouvoir sur soi-même, germe d’une autorité bienveillante lorsqu’on l’enseigne.
De multiples facettes dans un ensemble cohérent
On peut alors se demander quelles sont les spécificités réelles de la boxe du faîte suprême ? Elles se trouvent dans son intitulé même. Il s’agit d’une boxe, c’est-à-dire d’un art martial répertorié en Chine dans la catégorie des arts internes.
Le fondement de cette boxe est la conciliation des oppositions. Cet art s’appuie sur le travail interne et permet de conserver son intégrité, même en situation de crise. Il possède la qualité unique de rassembler une multitude d’aspects différents dans un ensemble cohérent (pas un amalgame). D’autres techniques abordent et approfondissent ces diverses facettes, mais rarement, pour ne pas dire jamais, en même temps.
Édito revu Espace Taiji n°86