La nature nous relie les uns aux autres et à l’ensemble du vivant. Mais quelles expériences avons-nous de la nature ? Celles-ci, ou leur absence, façonnent-elles nos façons de vivre, de penser et de gouverner ? Existe-t-il une valeur ajoutée de l’expérience de nature pour l’éthique et la politique ? Cet ouvrage collectif dirigé par Cynthia Fleury et Anne-Caroline Prévot est une invitation à inventer un mode de partage 4ème de couverture.
Extrait (Dominique Cottereau) pp. 245-255
Réapprendre la nature, c’est aussi réapprendre de, par et dans la nature, dans la relation qui se noue au fil des expériences (…) L’écoformation désigne la formation que chacun reçoit par contact direct et réfléchi avec l’environnement, cet habitat qui nous contient et dans lequel nous puisons non seulement nos ressources biologiques vitales, mais aussi nos ressources psychologiques et mentales (…)
En premier lieu, la place du corps sensoriel et moteur est prépondérante. C’est en effet par l’expérience sensible du monde que nous en développons une connaissance intime. Le monde s’offre à nous d’abord au travers de nos sensations, qui nous mettent en contact direct avec le réel (…) Notre condition terrestre est d’abord corporelle (…) L’enfant des villes s’acculture aux ambiances de la ville, quand l’enfant des champs s’acculture aux ambiances de la campagne. Cette éducation première, informelle, impensée, oriente la sensibilité. Les mots vont s’y adjoindre, mais plus tard. Le monde se donne d’abord sous la forme du sensible (…) Les sens sont nos outils à fabriquer du sens (…) Le socle de nos êtres-au-monde se trouve dans cette rencontre multi-sensorielle avec les milieux que nous vivons ou que nous traversons (…)
Certes, nous nous promenons toujours dans les campagnes, les montagnes, mais sur des sentiers balisés, aplanis, sécurisés. L’excès de virtuel, l’enfermement peuvent tuer les sens si les sens ne sont plus sollicités. Et par rebond appauvrir l’imaginaire. C’est l’un des enseignements de la recherche sur l’écoformation : la nécessité de développer une éducation riche en expériences corporelles à tout âge (…)
C’est sans doute lorsque nous saurons comment l’environnement nous met en forme, comment la nature façonne nos esprits, nos corps et nos âmes, que nous pourrons établir des liens de partenariat avec elle et « transformer nos rapports d’usage en rapports du sage ».