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Jeux, rituels et gestes

Cet ouvrage tente de montrer l’importance des pratiques corporelles dans la construction sociale de la réalité, tant individuelle que collective. Gunther Gebauer et Chritoph Wulf reprennent les principales théories concernant la mimésis venant des différentes disciplines des sciences humaines et sociales, et les discutent. Ils montrent que depuis sa plus tendre enfance, les hommes se construisent dans des formes d’imitations qui intègrent et dépassent les modèles qui leur sont proposés. Toute pratique institutionnelle est d’abord corporelle 4ème de couverture.

Civilisation et discipline pp. 35-40

La transformation du corps au cours du processus de civilisation est une adaptation mimétique de mouvements réguliers sous forme d’exercices, d’imitations, de conséquences d’instructions et d’indications, de contrôles et de corrections. Elle concerne au moins deux partenaires : celui qui sert de modèle et qui va modeler le corps d’une autre personne en tant que tel, mais aussi soit par effet de contrainte, d’exigence, d’instruction, soit par persuasion, par séduction. Et de son côté, l’apprenant façonne ses mouvements de sorte qu’ils valent comme « réguliers ». Il peut le faire de plusieurs façons : en mimant l’autre, en se subordonnant à lui, en l’imitant, en « épousant » ses gestes, ou en l’imitant avec ironie et distance (…)

L’analyse que fait Foucault des institutions spécifiques qui sont explicitement destinées au modelage comportemental de groupes sociaux particuliers, est une innovation décisive (…) Le concept central de Foucault dans sa description du processus de modelage corporel est l’exercice. Dans les institutions disciplinaires qui ont été créées au début des temps modernes, les mouvements exigés sont inculqués, conformément aux règles, aux corps à l’aide de répétitions interminables d’exercices physiques et intellectuels élémentaires comme rester tranquille, se mettre en rang, faire de l’exercice physique, apprendre par coeur (…)

La discipline est une des formes sociales organisées de la technicisation du corps par le pouvoir – une technologie du pouvoir. « L’exercice, c’est cette technique par laquelle on impose aux corps des tâches à la fois répétitives et différentes, mais toujours graduées ». Ce qui lui est caractéristique, c’est le fait qu’on puisse l’intensifier et l’observer. On peut mesurer ses résultats et les apprécier (…)

Le corps est docile : il prolonge en lui-même les leçons de mouvements exemplaires dans faire-encore-une-fois ; il se transforme en profondeur et façonne son mécanisme en correspondance avec les leçons qu’il reçoit. Il devient toujours mieux utilisable, pour le sujet lui-même comme pour les autres (…)

À l’entraînement du corps par des mouvements s’ajoute le pouvoir politique qui devient « un élément » dans une technologie politique du corps ». À l’époque moderne, selon l’hypothèse de Foucault, la politique vise une soumission qui ne se termine jamais. Celle-ci est réalisée quand l’individu prend lui-même en charge la fonction de contrôle qui était auparavant exercée par l’institution en place, et la dirige contre lui-même (…) il n’existe selon Foucault aucune instance de contrôle intérieur et psychique : c’est le corps lui-même. Ce contrôle n’emploie aucune instance centrale, mais est réparti dans le corps (…)

Une autre technique importante qui a pour effet de faire sentir le pouvoir du corps, mais qui laisse également les individus lui obéir de plein gré, est l’examen. Les mouvements du sujet y sont fixés comme un objet que l’on peut décrire et analyser dans ses capacités et ses habiletés. Lors de l’examen, les mouvements deviennent des objets d’observation scientifique, de description, de recherche et de formation théorique. L’entrée « dans le champ du savoir » reconstruit les corps et les mouvements à un niveau théorique plus élevé, établi en amont de l’agir mimétique. Après cette première étape naît un nouveau type de pouvoir qui s’appuie essentiellement sur le savoir scientifique sur les individus.

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