Le taoïsme est le dépositaire et le témoin encore vivant d’un immense courant de la tradition chinoise. Il est marqué par une forte composante cosmologique. Exempt de tout dogmatisme, le taoïsme a continuellement accueilli dans son sein des courants nouveaux et extérieurs. Il les a parfaitement assimilés sans jamais perdre sa spécificité. Dans cet ouvrage, Isabelle Robinet nous raconte l’histoire de ce courant depuis ses origines jusqu’au XIVe siècle.
Introduction
Ce sont les principes de l’École du Yin-Yang et des Cinq Agents wuxing, aussi traduits par « cinq éléments », qui donnent au taoïsme son substrat théorique et son langage. La mise en forme définitive de ce système cosmologique fut réalisée sous les Han à partir d’élément plus anciens (…). L’univers s’autocrée perpétuellement en une évolution constante (l’une de ses dénominations est « les dix mille transformations », en perpétuels genèse et devenir, à partir d’un matériau unique, le Souffle (ou énergie) primordial (Yuanqi) qui n’est ni matière, ni esprit p. 14.
Dynamisme principiel, ce Qi, donc, ni matière, ni esprit, est antérieur au monde, et toute chose n’en est qu’un aspect et un état de plus ou moins grande condensation. Condensé, il est vie, dilué, il est potentiel indéfini ; c’est là une conception qui remonte à Zhuang zi p. 15.
En vertu de l’unité de l’univers, aussi bien de sa substance, le Souffle, que de sa structure en Trois verticalement et Cinq (horizontalement), le monde humain et l’homme lui-même sont organiquement construits de la même façon et homologables l’un à l’autre. Ainsi, la constitution de l’Homme peut-elle être mise en parallèle avec celle de la société et avec celle de l’univers p. 19.
Ce corps humain est aussi analogue à l’organisation d’un État, lequel est conçu comme un tout organique dans toute la tradition chinoise p. 20.
Dans ce monde dynamique qui est de sa construction, le taoïste s’établit au centre et se pose en démiurge : situant, articulant, identifiant et nommant, il donne signification au cosmos, non pour y intervenir, mais pour s’y intégrer et s’en faire un cadre et un instrument de pensée (…). Travailler à son salut consiste à retourner à la case départ, qui est au Centre, pour reprendre le monde à neuf, au jour de sa genèse et suivre son développement dans le bon ordre et dans le bon sens. Le retour à l’Origine (…) fait partie des leitmotive constants du taoïsme p 22.
Plus qu’une croyance ou une doctrine, le taoïsme est une pratique (…). Il ignore la prédication et ne fait que répondre à la demande (…). Le monde des taoïstes est avant tout le monde de la nature, plus que celui de la société pp. 25-26.
Guidé par sa vision totalisante du monde, il a combiné, mis en évidence, repris et digéré, recueilli et amalgamé, conservé en les organisant les diverses tendances de la culture chinoise p. 28.
L’alchimie intérieure
Mais c’est, sinon la naissance, du moins le développement de l’ « alchimie intérieure » qui fut le fait le plus remarquable pour le taoïsme à cette période – sous les Song et les Yan – p. 212.
(…) l’ « alchimie intérieure » ne cherche pas à fabriquer un produit et est avant tout, une technique d’illumination comportant une méthode d’ordonnancement du monde et de soi-même, un façonnement (zaohua), et par là une compréhension au sens d’intégration existentielle et intellectuelle p. 212.
Comme la méditation visionnaire, l’alchimie intérieure est une discipline opératoire, un acte créateur, un processus à conduire, rédempteur et régénératif, qui doit aboutir à la naissance de l’enfançon, de l’homme nouveau p. 214.
En simplifiant, toute l’opération peut se résumer ainsi : l’adepte part de l’origine sans repères, sans marqueurs et sans limites (le Chaos) ; il place des repères, délimite, construit une série ; puis il les manipule, les met en branle, les dynamise, les emboîte, les tresse ; il finit ainsi par les unir au Centre où ils fusionnent, où il les « accouple » et où ils engendrent chaque fois des instances plus « pures », plus intérieures, avec lesquelles il réitère les mêmes opérations jusqu’à ce qu’il « saute » dans le vide. Il a refait le monde mal fait, désordonné, dans lequel il vivait en repartant à partir d’une table rase, puis a pris conscience de l’aspect normatif, conceptuel et purement utilitaire et, en ce sens, factice des repères qu’il a posés pp. 214-215.
L’ultime vérité (…) est celle d’un instant d’éternité qu’il faut surprendre et vivre (…) les taoïstes font (…) oeuvre de re-création p. 215.
Dans ce bel ouvrage, Isabelle Robinet développe l’histoire et les caractéristiques de nombre de branches du courant taoïste.