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Alchimie intérieure par la pratique du tai chi

Tai chi - alchimie - Style Sun - Simple fouet - Eric Caulier

Alchimie inverse

Nous sentons bien que nous évoluons dans un monde usé, exténué, surmené et abandonné des dieux. Le nihilisme est épuisé par ce qu’il croyait épuiser. C’est comme si nous vivions l’expérience d’une sorte d’alchimie obstinément inverse et négative dans laquelle l’or se transforme en plomb. Comment œuvrer afin que cette « matière » actuellement des-œuvrée qu’est notre « modernité liquide » devienne la virtuelle materia prima d’une nouvelle transmutation ?

Chercher la pierre philosophale

Le secret de l’être humain et de son devenir reste identique à travers les âges et les lieux. Nous avons donc tout intérêt à re-considérer les arts de la transformation – alchimie – intérieure que nous ont légués les anciens.

Nous nous y attachons au sein de notre école de tai chi chuan. Lors de nos stages d’été et de nos formations, nous intégrons le sens du mouvement sous l’inspiration de saint Denis. Celui-ci est avec saint Jacques le patron des alchimistes.

Dans ce chemin de santé, l’homme vraiment sain(t), c’est-à-dire authentiquement malade, est capable d’arracher à la maladie le « sens » de sa vie. Il n’est en quête que d’une panacée. Jung disait «Vous ne guérirez pas avec ce que vous savez mais avec ce que vous êtes». Si le détenteur de la Pierre Philosophale est dit autonome (qui est à lui-même sa propre loi), la liberté ne peut être que le stade final de la plus rude des disciplines.

L’alchimie intérieure par la voie du tai chi

La voie du tai chi chuan est une voie alchimique. Les 4 trigrammes attachés aux 4 mouvements principaux (parer, tirer, presser, repousser) sont les 4 symboles de base du neidan (alchimie intérieure).

Nous avons tout près de chez nous d’extraordinaires centrales énergétiques. La cathédrale d’Amiens, « petite sœur » de Notre-Dame de Paris, est un véritable athanor. La Grand-Place de Bruxelles en est un également. Ces hauts lieux nous permettent d’expérimenter les mêmes principes que ceux du Wu gong (quintessence du taijiquan).  Ils nous font entrer dans un autre espace/temps. De plus, ils rétablissent de la liaison Ciel/Terre. Ces espaces « magiques » induisent en nous des mouvements de montée et de descente. Ils nous  emmènent à la découverte du Centre à partir duquel rayonner.

L’universalité du symbole yin-yang (tai chi)

La cathédrale représente un être humain debout et couché. La connexion entre les 3 niveaux (souterrain/terrestre/céleste, corps/âme/esprit) y est rétablie. Le centre de la rosace, lorsqu’il est rabattu au sol, coïncide avec le centre du labyrinthe. Par conséquent, la distance entre le centre du labyrinthe et le mur de façade ainsi que la distance entre le centre de la rosace et la projection verticale au sol sont identiques.

Deux symboles Yin/Yang (poissons entrelacés) figurent sur le contrefort gauche de la cathédrale d’Amiens. De toute évidence, cette représentation du Yin/Yang serait apparue en Chine vers le 12ème siècle. En Occident, néanmoins, les compagnons l’utilisaient depuis le 9ème siècle. Cette découverte m’a bouleversé.

En poursuivant mes investigations, j’ai retrouvé ces mêmes symboles dans la Notitia dignitatum – la liste des fonctions officielles de l’administration civile et militaire de l’Empire romain – à la fin du 4ème siècle et au début du 5ème siècle ap. J.-C.

Il faut parfois faire de grands périples pour prendre conscience que ce que l’on cherche se trouve près de chez soi.  Le chemin est encore plus long pour finalement découvrir qu’on le porte en soi.

La multiplication alchimique n’est pas la productivité, celle-ci ne peut advenir que lorsque l’on a retrouvé le génie du cœur, c’est-à-dire un art de « désirer juste ».

Édito revu Espace Taiji n° 61

Crédit photo : Almereca